Les raisins de Zeuxis et le rideau de Parrhasius


[Zeuxis et Parrhasius, peintres grecs, ~464/~398 et ~460/~380]

On raconte que ce dernier [Parrhasius] entra en compétition avec Zeuxis : celui-ci avait présenté des raisins si aisément reproduits que les oiseaux vinrent voleter auprès d’eux sur la scène ; mais l’autre présenta un rideau peint avec une telle perfection que Zeuxis, tout gonflé d’orgueil à cause du jugement des oiseaux, demanda qu’on se décidât à enlever le rideau pour montrer la peinture, puis, ayant compris son erreur, il céda la palme à son rival avec une modestie pleine de franchise, car, s’il avait personnellement, disait-il, trompé les oiseaux, Parrhasius l’avait trompé lui, un artiste. On rapporte que Zeuxis peignit également, plus tard, un enfant portant des raisins ; des oiseaux étant venus voleter auprès de ces derniers, en colère contre son œuvre, il s’avança et dit, avec la même franchise :  « J’ai mieux peint les raisins que l’enfant, car, si je l’avais aussi parfaitement réussi, les oiseaux auraient dû avoir peur. »

                         

Pline l’Ancien, Histoires naturelles, Livre XXXV, §65, 66  traduction d’A. Reinach, La peinture ancienne, 1921 ; Macula 1985

L’invention de l’image


La question des origines de la peinture est obscure. [...] Les uns disent que le principe en a été découvert à Sicyone, les autres à Corinthe, mais tous reconnaissent qu’il a consisté à tracer, grâce à des lignes, le contour d’une ombre humaine. [...] Le premier ouvrage en ce genre [la plastique] fut fait en argile par Dibutades de Sicyone, potier à Corinthe, à l’occasion d’une idée de sa fille, éprise d’un jeune homme qui allait quitter la ville : celle-ci arrêta par des lignes les contours du profil de son amant. Son père plaqua ensuite de l’argile sur le dessin, auquel il donna du relief et fit durcir au feu cette argile avec les pièces de poterie.


Pline l’Ancien, Histoires naturelles, Livre XXXV, Les Belles Lettres, Paris, 1985.

Véronique


[Volutien, un des intimes de l’empereur Tibère-César, va trouver Véronique, amie du Christ afin qu’il guérisse son maître très malade.]

Véronique lui dit : Ah ! C’était mon Seigneur et mon Dieu : trahi par jalousie, il fut condamné à mort par Pilate, qui l’a fait attacher à la croix. Alors Volutien fut très chagriné : Je suis bien en peine, lui dit-il, de ne pouvoir exécuter les ordres de mon maître. Véronique répondit : Alors que mon Seigneur parcourait le le pays en prêchant, comme j’étais privée, bien malgré moi, de sa présence, je voulus faire exécuter son portrait, afin que lorsqu’il ne me serait plus donné de le voir, je pusse au moins me consoler en regardant son image : alors je portai de la toile au peintre, quand le Seigneur vint au-devant de moi et me demanda où j’allais. Lorsque je lui eus exposé le sujet de ma course, il me demanda la toile, et me la rendit avec l’empreinte de sa face vénérable. Si donc votre maître regarde avec dévotion les traits de cette image, à l’instant il aura l’avantage de recouvrer la santé


Jacopo da Varazze (Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes), La Légende dorée (vers 1264),  traduction française en 1900 de l’abbé Roze, Garnier-Flammarion, Paris, 1967.

Video Venus


Quant aux bourses [d’Ouranos], à peine les eut-il [Cronos] tranchées avec l’acier et jetées de la terre dans la mer au flux sans repos, qu’elles furent emportées au large, longtemps ; et, tout autour, une blanche écume sortait du membre divin. De cette écume une fille se forma, qui toucha d’abord Cythère la divine, d’où elle fut ensuite à Chypre qu’entourent les flots ; et c’est là que prit terre la belle et vénérable déesse qui faisait autour d’elle, sous ses pieds légers, croître le gazon et que les dieux aussi bien que les hommes appellent Aphrodite [Vénus chez les latins], pour s’être formée d’une écume, ou encore Cythérée, pour avoir abordée à Cythère. Amour et le beau désir, sans tarder, lui firent cortège, dès qu’elle fut née et se fut mise en route vers les dieux. Et, du premier jour, son privilège à elle, le lot qui est le sien, aussi bien parmi les hommes que parmi les Immortels, ce sont les babils de fillettes, les sourires, les piperies ; c’est le plaisir suave, la tendresse et la douceur.


Hésiode (poète et théologien grec), Théogonie, (vers 700 avant J-C.), traduction française de Paul Mazon, Éditions Les Belles Lettres, Paris, 1993.


Mort / Pas mort


[…] Non, non, non, non, saint Éloi n’est pas mort, 

non, non, non, non, saint Éloi n’est pas mort, 

car il bande encore,

car il bande encore. 


Le Pou et l’Araignée, chanson traditionnelle française.

Éve et Adam


Le serpent dit à la femme : Non, vous ne mourrez pas, vous ne mourrez pas, car Elohîm sait que du jour où vous en mangerez vos yeux se dessilleront et vous serez comme Elohîm, connaissant le bien et le mal. La femme voit que l’arbre est bien à manger, oui, appétissant pour les yeux, convoitable, l’arbre, pour rendre perspicace. Elle prend de son fruit et mange. Elle en donne aussi à son homme avec elle et il mange. Les yeux des deux se dessillent, ils savent qu’ils sont nus.


Tora, Genèse 3, 4-7, traduction du texte massorétique (hébreu-araméen) par André Chouraqui, Édition Desclée de Brouwer, 1989.

Les derniers mots du Christ


À la neuvième heure, Iéshoua crie d’une voix forte : Elohaï, Elohaï, lama sabaqtani !  Ce qui se traduit : Mon Elohim, mon Elohim, pourquoi m’as-tu abandonné ?


Nouveau Testament, Marc 15, 34, traduction du texte massorétique d’André Chouraqui, Édition Desclée de Brouwer, 1989. 


Et Jésus dit en un grand cri : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Et, ce disant, il expira.


Nouveau Testament Luc 23,46, traduction française de L.-M. Dewailly, 

Éditions du Cerf, Paris, 1968.

Thanatos


[Nyx (la Nuit) est la mère d’Hypnos (le Sommeil) et de Thanatos (la Mort). Ils habitent tous deux dans un monde souterrain d’où partent les rêves.]

Mais dès qu’il aura rendu l’âme et la vie, envoie Thanatos et le doux Hypnos afin 

qu’ils le transportent chez le peuple de la grande Lykié.


Homère, L’iliade, traduction de Leconte de Lisle (1818-1894).

Ouranos


[Pour les grecs, Ouranos, le Ciel et Gaïa, la Terre-mère avaient engendré les Titans qui donneront naissance aux dieux. Le plus important des Titans était Cronos (Saturne pour les Latins), père de Zeus (Jupiter)] 

Car s’étaient de terribles fils que ceux qui étaient nés de Terre et de Ciel, et leur père les avait en haine depuis le premier jour. À peine étaient-ils nés qu’au lieu de les laisser monter à la lumière, il les cachait tous dans le sein de Terre [...] l’énorme Terre en ses profondeurs gémissait, étouffant. Elle imagine alors une ruse perfide et cruelle. Vite, elle crée le blanc métal acier ; elle en fait une grande serpe [...] cacha [son fils Cronos], le plaça en embuscade [...] Et le grand ciel vint, amenant la nuit ; et, enveloppant Terre, tout avide d’amour, le voilà qui s’approche et s’épand en tout sens. Mais le fils, de son poste, étendit la main gauche, tandis que, de la droite, il saisissait l’énorme, la longue serpe aux dents aiguës ; et, brusquement, il faucha les bourses de son père, pour les jeter ensuite, au hasard, derrière lui.


Hésiode (poète et théologien grec), Théogonie, (vers 700 avant J.-C.), traduction française de Paul Mazon, Éditions Les Belles Lettres, Paris, 1993.

Danaé


Acrisios [roi d’Argos], entre-temps, avait interrogé l’oracle du dieu afin de savoir comment il pourrait avoir des enfants mâles. Le dieu lui répondit qu’il aurait un petit-fils de sa fille [Danaé] mais que celui-ci le tuerait. Craignant que cela ne se produisît, Acrisios enferma Danaé dans une salle souterraine, toute en bronze. Mais la jeune fille fut séduite par Proétos, suivant une version de l’histoire, et c’est ce qui fit éclater la discorde entre Proétos et Acrisios. Mais suivant une autre version, Zeus se changea en pluie d’or et, par le toit, se laissa couler dans le sein de Danaé. Quand Acrisios apprit que Danaé avait mis au monde le petit Persée, il ne voulut pas croire qu’il était de Zeus : il enferma Danaé et son petit-fils dans un coffre qu’il jeta à la mer. Poussé par le courant, le coffre arriva à Sériphos, et Dyctis prit l’enfant, et l’éleva. 


Bibliothèque d’Apollodore [compilation anonyme grecque entre le Ier et le IIIe siècle], II, 4, 1, traduction française d’Ugo Bratelli, 2001.

Pandore


[La première femme, dans la tradition grecque, a été crée par Zeus, pour le malheur des hommes, en punition du vol du feu par Prométhée ; elle fut donnée à Épiméthée son frère. Dans sa boîte, une jarre ou une grande urne, tous les fléaux et désastres étaient réunis ] 

[Zeus] « met en elle la parole et à cette femme il donne le nom de Pandore, parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce présent, font présent du malheur aux hommes. [...] Épiméthée ne songe point à ce que lui dit Prométhée : que jamais il n’accepte un présent de Zeus Olympien, mais le renvoie à qui l’envoie, s’il veut épargner un malheur aux mortels. Il accepte et, quand il subit son malheur, comprend. La race humaine vivait auparavant sur la terre à l’écart et à l’abri  des peines, de la dure fatigue, des maladies douloureuses, qui apportent le trépas aux hommes. Mais la femme, enlevant de ses mains le large couvercle de la jarre, les dispersa par le monde et prépara aux hommes de tristes soucis. Seul, l’Espoir restait là, à l’intérieur de son infrangible prison [...]


Hésiode (poète et théologien grec), Les travaux et les jours (vers 700 avant J.-C.), Éditions Les Belles Lettres, Paris 1993. 

Onan


Iéhouda [Judas, l’un des frères de Joseph] dit à Onân [l’un de ses fils] : Viens vers la femme de ton frère [que IHVH (Dieu) avait mis à mort]. Lévire-la [donne, par elle, un enfant à ton, frère]. Onân sait que la semence ne sera pas pour lui. Et c’est quand il vient vers la femme de son frère, il détruit à terre, pour ne pas donner de semence à son frère. Ce qu’il fait est mal aux yeux de IHVH : il le met à mort, lui aussi.


Tora, Genèse, 38, 8 à 10, traduction française du texte massorétique par André Chouraqui, Édition Desclée de Brouwer, 1989.

Lucrèce


[En 508 avant J.-C., durant le siège d’Ardée, au sud de Rome, Sextus Tarquin, fils du roi Tarquin le Superbe, propose à ses compagnons, parmi lesquels Tarquin Collatin, époux de Lucrèce de retourner à Rome afin de surprendre, la nuit, leurs femmes. Seule Lucrèce fut trouvée sans reproche. Sextus Tarquin la remarquant pour sa beauté et sa vertu s’introduisit dans sa chambre et abusa d’elle, sous la menace d’un chantage. Si elle résistait, il la poignarderait et raconterait que, l’ayant trouvé infidèle, il avait vengé l’honneur de Tarquin Collatin. Lucrèce céda. Puis elle fit prévenir son père et son mari et leur raconta son déshonneur en présence de Brutus.]

Ils cherchèrent à apaiser son tourment, affirmant que le coupable n’était pas la victime mais l’auteur de l’attentat ; c’était l’intention et non l’acte qui constituait la faute. « Fixez vous-mêmes le prix qu’il doit payer ; pour moi, bien qu’innocente, je ne m’estime pas quitte de la mort. Jamais une femme ne s’autorisera de l’exemple de Lucrèce pour survivre à son déshonneur ». Elle plongea dans son coeur un couteau qu’elle tenait caché sous son vêtement et tomba sous le coup, mourante. Son mari et son père poussèrent un grand cri.


Tite-Live (59 environ avant J.-C. - 17 après), Histoire Romaine, Livre I, traduction française d’Annette Flobert, Garnier-Flammarion, Paris, 1995.

Léda


[Épouse de Tyndare, roi de Sparte fut aimée de Zeus qui la séduisit transformé en cygne. Selon la tradition la plus répandue, elle mit au monde, enfermés dans un oeuf géant, Castor et Pollux. Selon d’autres sources, elle aurait eu, de Zeus, Pollux et Héléne, et de Tyndare, Castor et Clytemnestre, les deux couples de jumeaux issus de deux oeufs géants]

 [Héléne :] On raconte, c’est vrai, que Zeus prenant la forme d’un cygne et fuyant la poursuite d’un aigle [Aphrodite métamorphosée] dans le sein de ma mère transforma cette ruse en étreinte : mais peut-on accorder du crédit à ce conte ?


Euripide (tragique grec, ~480-406 avant J.-C.), Hélène, 17 à 21.

Priape


[Fils d’Aphrodite (Vénus) et de Dionysos (Bacchus), dieu des jardins et de la fécondité, le sexe toujours en érection, Priape connut surtout des échecs que ce soit avec Vesta ou avec la nymphe Lotis]

Non loin du lac, un lotus [souvent identifié comme un Jujubier], ami des eaux, était couvert de fleurs [...], quand je vis des gouttes de sang tomber de ces fleurs et leurs tiges s’agiter, secouées par un frisson. [...] la nymphe Lotis, fuyant les approches trop obscènes de Priape, avait quitté sa forme première, sans changer de nom, pour prendre la forme de cet arbre.


Ovide (poète latin, 43 av. J.-C.-17 après), Métamorphoses, IX.


J’étais un tronc de figuier, bois fort inutile, lorsqu’un ouvrier, incertain s’il en ferait un banc ou un Priape, se décida enfin, et au lieu d’être un banc, je fus un dieu.


Horace (poète latin, 65-8 av. J.-C.), Satires, 8, 1.


 Dois-je taire ou raconter ta honte, Priape au visage rubicond ? L’aventure ne manque pas de sel.


Ovide, Fastes, VI.

© Jean pierre Morcrette    

21/03/2025