Renoncements et projets

Renoncements et projets


Renoncements

J’ai appris à aimer le mot et la chose, séduit au point de les prendre à la lettre.

Renoncement m’évoque, alors que je viens de l’écrire, les ronces dans lesquelles on s’engage avec prudence et témérité pour aller chercher la mûre noire bien en chair au fond des haies, d’où l’on aura des difficultés à s’extirper.


Jamais effrayé par la chose, même si, dans la réalité, certains renoncements m’ont été douloureux, particulièrement en dehors du domaine de l’art ; plusieurs, l’un n’empêche pas l’autre, libérateurs. Quelques projets abandonnés ont trouvé refuge dans des romans (par exemple Nucléaire ou Tous coupables, tous victimes). Je ne les supportais peut-être pas assez pour vivre plus de temps avec eux.


Projets

Rien ne présume qu’un projet peut aboutir ni qu’un renoncement est définitif. Parfois, il est souhaitable qu’il en reste là, malgré son état avancé — près de deux cents photos de calvaire pour L’an 2000 (Crucifixions).


Voici des renoncements et des projets. Tous sont liés, et par moments — c’est une vue de mon esprit tordu —, ils semblent avoir la même valeur. Les remords, n’en parlons pas !

Renoncement

Nucléaire


Extrait de Taillis de hêtres de Jean pierre Morcrette  (chapitre 7)

[…] Sans militer dans une organisation antinucléaire, j’avais conçu, quelques années après Tchernobyl, un projet sur la nucléarisation de la France qui ne fut jamais réalisé. Mon galeriste de l’époque imaginait difficilement les motivations des institutions ou des chefs d’entreprises à s’y intéresser. Rien de subversif : dix-neuf grands tirages en Cibachrome donneraient à voir les paysages alentour, sans montrer les bâtiments eux-mêmes. Chaque nom des dix-neuf sites indiquerait de quoi il s’agissait. L’air semblerait pur, le ciel bleu, l’herbe verte. Des oiseaux parcourraient l’espace aérien, des poissons nageraient dans les fleuves ou dans la mer ; quelques baigneurs bronzeraient sur les rives. Bien sûr, quelque chose clocherait. J’ignorais comment traiter tout ça ni ce qui allait clocher. C’était l’idée. […]

Le nucleaire en France

Carte du nucléaire en France avant la fermeture de Fessenheim (désolé, je ne retrouve plus la source)

Renoncement

L’an 2000 (Crucifixions)


Préparé fin des années 90 pour « célébrer » l’an 2000

Des photographies de calvaires (ceux des carrefours des rues et chemins).

Des photographies d’hommes et de femmes qui se donnent à voir.

La mise en tableaux des images de calvaires et de celles des corps d’hommes et de femmes renvoient, sur la forme, à l’icône byzantine.

Notes d’intention

Renoncement

Tous coupables, tous victimes


Extrait de Taillis de hêtres de Jean pierre Morcrette  (chapitre 24)

Deux écrans géants à plasma, de part et d’autre de la salle, montrent des images de violences. Chaque image qui défile est soit une photographie de reportage, soit une photographie mise en scène, sans que ce soit possible de discerner l’une de l’autre. Des images de tortures, de mutilations, de lapidations, de décapitations, de crucifixions, de pendaisons, de viols, d’exécutions sommaires, de sévices divers s’enchaînent les unes après les autres dans un silence accablant. À leur insu, plusieurs spectateurs sont photographiés au hasard en direct. Leurs visages se substituent à ceux des soldats, des policiers, des miliciens, des tortionnaires, des exécuteurs, des bourreaux, des assassins, des violeurs, des agresseurs. Puis, en alternance, les mêmes visages prennent la place de ceux des victimes, des femmes, des hommes, des enfants. Les images se succèdent et le trouble s’empare des spectateurs qui se reconnaissent peu à peu les uns les autres. Certains quittent la pièce une fois la procédure comprise. D’autres errent, fascinés par leurs doubles, bourreaux et victimes à la fois. D’autres encore, hagards, effarés par cette proposition d’apparence humaniste et politiquement correcte, partent après un temps jugé suffisant par eux-mêmes. Tous coupables, tous victimes : voilà ce qu’avait l’air de dire l’installation de l’artiste que j’étais. Non, je n’éprouvais aucune culpabilité devant toutes ces atrocités. Bien sûr, ça m’arrivait de fermer les yeux, de renoncer à me sentir concerné par toutes les laideurs du monde. Si cela s’appelle être coupable, alors oui, je l’étais.

Renoncement

Journal


Souvent commencé, toujours interrompu. Des bribes restent, certaines recyclées çà et là. Dernièrement, j’ai tenu plus longtemps. Le genre ne doit pas être fait pour moi. Pourtant que d’intéressants Journaux j’ai lus !  Par exemple ceux de Kafka, Gombrowicz, Gide, Anaïs Nin, Susan Sontag, etc. En ce qui me concerne, les tentatives finiront, au mieux, en roman.

Projet

Diptyques  (en cours)


D’un côté, un coin de nature.

De l’autre, un personnage : un visage, les yeux clos, une partie de corps

Projet

Élégiasmes (en cours)


Élégie : Poème lyrique mélancolique et tendre ;

Miasme : Émanation malsaine provenant de matières organiques en décomposition.

Contraintes : une image évanescente et un quatrain en alexandrins.

Traitement désuet, limite ringard.

Projet

Devant, derrière


Ou champ / contrechamp

Comment regarder devant et voir derrière, ou l’inverse ? Comment regarder derrière en se souvenant de l’avant ? Comment visualiser les deux images jamais ensemble ou accepter de les découvrir côte à côte ?

Images assez banales de parcelles de lieux, de corps, d’objets, tous vus à peu près à la même distance, de la même focale, de la même hauteur (pas très haut). Le rapprochement et le souvenir doit jouer.

Projet

Intérieurs


Ce qui est au-dedans, dans les limites d’un espace délimité, lieu d’habitation d’un humain.

Décor anonyme vide de son occupant.

Projet

Détails


Posons que tout, en photographie, est détail. Si en peinture, le détail est une partie « identifiée, découpée de son ensemble », une photo semble toujours vue comme une proposition parcellaire de ce que l’on appelle monde. À l’intérieur de cette image, des détails peuvent se faire de la place même dans la plus « documentaire » photographie.

Projet

Miniatures (en cours)


Une bribe de phrase, généralement tirée d’un dialogue fictif, se confronte à une photographie, parfois colorisée. Le texte, préexistant ou pas,  découle de l’image, ou l’inverse.

Chaque miniature mesure 21 x 35 cm.

© Jean pierre Morcrette    

21/03/2025